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Critiques de livres

Critiques de livres

Par Pauline-Gaïa Laburte


L’interprétation des peurs – Wulf Dorn⎥ Note: 8/20

Publié par Pauline-Gaïa sur 20 Décembre 2012, 21:19pm

Catégories : #policier, #grand prix des lectrices de elle

L’interprétation des peurs – Wulf Dorn⎥ Note: 8/20

Ellen Roth, psychiatre à la clinique du Bosquet, a l’habitude d’être confrontée à toutes sortes de pathologies et de patients plus ou moins délirants. Elle est néanmoins prise de cours lorsqu’elle se retrouve face à une jeune femme qui a visiblement été battue et refuse de livrer son nom ou celui de son agresseur, qu’elle s’obstine à nommer « le croque-mitaine ». Ellen n’a pas le temps d’en apprendre plus : l’inconnue s’évapore du service psychiatrique sans que personne – médecins, infirmières ou personnel d’accueil – l’ait vue. Persuadée qu’elle est en danger, Ellen tente de la retrouver, sans se douter qu’elle vient de se jeter dans les bras grands ouverts du « croque-mitaine », qui l’a désormais prise pour cible. Mais pourquoi lui en veut-il personnellement et comment expliquer qu’il semble la connaître si intimement ?

L’interprétation des peurs est le premier roman de Wulf Dorn, et sa maladresse de jeune premier est malheureusement perceptible tout au long du roman. La psychologie des personnages frise le degré zéro et même le personnage principal, qui porte pourtant toute l’œuvre (ou pas), n’est pas épargné par ce désert affectif et intellectuel. Combien de fois au cours de la lecture s’étonne-t-on des réactions binaires d’Ellen Roth, qui change d’avis à chaque chapitre (Mark est méchant ! Ah non il est gentil ! Chris est méchant ! Ah non il est gentil ! Au secours le croque-mitaine ! Ah non, ce n’est qu’un gentil hacker). On avait pourtant cru comprendre qu’elle était psychiatre, les subtilités du comportement humain, ça devrait a priori la connaître, non ?

Les personnages secondaires ne sont pas épargnés et, tiens, on inventerait bien un mot pour les désigner collectivement : la nunuchitude. Oui, la nunuchitude, car c’est fou comme ils sont mièvres, on les dirait tout droit sortis d’un roman Arlequin. Et allons-y gaiement: le beau médecin amoureux en secret d’Ellen se trouve en fait être un scrapbooker de talent qui passe ses après-midis pluvieux à compléter son album avec des photos de sa belle et n’hésite pas à se priver de sa (dernière !) part de pizza pour elle.

C’est beau l’amour. Et dans l’univers de Wulf Dorn, ça dégouline de niaiserie. On ne peut s’empêcher de partager un petit extrait : « Mark courut dans sa chambre et revint avec des serviettes propres. Ellen trouva sa sollicitude touchante. Une vraie mère poule, songea-t-elle sans pouvoir s’empêcher de sourire ». Roméo et Juliette peuvent aller se rhabiller.

Si les personnages sont ratés, l’écriture l’est aussi. Le vocabulaire est d’une pauvreté crasse, on sent venir les métaphores à des kilomètres (forêt = danger, loup = vilain agresseur). Autre ficelle dont l’auteur use et abuse : les explications – ou quand un psychiatre explique à un autre psychiatre ce qu’est, au choix, le refoulement, le déni, la schizophrénie (bon ok, on a compris que ce petit laïus était en fait destiné au lecteur, mais à ce stade-là, ce n’est plus une ficelle d’écrivain, c’est une corde !).

Même procédé lorsque l’auteur indique en italique ce que le personnage principal est en train de penser. Wulf Dorn ignore superbement le premier commandement du manuel du parfait écrivain : « show, don’t tell » (que l’on pourrait traduire par : « n’écris pas « la maison est lugubre », écris plutôt « des draps autrefois gris recouvraient des fauteuils dans lesquels personne ne s’était assis depuis des lustres » »). L'écrivain prémâche tellement son intrigue, ses personnages, son texte, que le lecteur finit par se vexer d’être pris pour un idiot inculte. Ce qui n'empêche pas ce même lecteur de rester bouche bée à la fin du roman, car les trois quarts des évènements qui se sont déroulés ne trouvent purement et simplement aucune explication.

En résumé, L’interprétation des peurs est un roman psychologique sans aucune psychologie. Et ça, il fallait le faire. Chapeau bas.

Lu dans le cadre du

L’interprétation des peurs – Wulf Dorn⎥ Note: 8/20
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