« C'est fini ». C'est ainsi que la mère de la narratrice annonce le décès du père au début du livre.
Mais en a-t-on jamais fini avec ses parents, son enfance, ses origines ? C’est la question que pose Annie Ernaux dans La Place, un court récit d’une centaine de pages publié en 1983.
La mort du père donc. Puis l’auteur remonte le fil d'une vie commencée au tournant du siècle, dans un style épuré, des phrases dépouillées à l’extrême et une écriture simple au service de gens simple : un père né en Normandie d’un père charretier illettré et d’une mère tisserande qui deviendra d'abord ouvrier avant de se marier et d'ouvrir un café-épicerie dans un quartier d'Yvetot. Une vie de peu, entièrement dédiée à sa boutique, rapidement concurrencé par les grandes surfaces. Le père souffre de son milieu d’origine et craint plus que tout d’être « trahi » par ses manières paysannes auprès de ses nouveaux clients, d’un milieu social plus élevé.
Le lycée confronte la narratrice à un monde tout à fait différent de son cadre familial. C’est pour elle l’occasion de fréquenter un milieu bourgeois et de découvrir la littérature. Son aisance intellectuelle lui permet d’accéder à la culture, aux études, achevant de la rendre comme étrangère à sa propre famille. Mais la réflexion d’Annie Ernaux est autant personnelle que sociologique. La figure du père disparaît peu à peu pour devenir le symbole d’un milieu et d’une époque, l’incarnation d’une vérité collective, celle de ces Français ordinaires d’après-guerre auxquels elle redonne vie. Annie Ernaux qualifiera elle-même son œuvre de récit « auto-socio-biographie », une écriture nouvelle qui lui vaudra de remporter le Prix Renaudot pour La Place, en 1984.
Vous aimerez peut-être:
En finir avec Eddie Bellegueule - Edouard Louis / Note: 16/20 - Critiques de livres
Il affirme que c'est bien un roman et non une biographie qu'il a écrite. Pourtant, En finir avec Eddie Bellegueule est avant tout un texte intime, qui nous fait entrer de force dans l'enfance de ...